Discours de l'APO

Plongez au cœur des interventions marquantes prononcées lors des différentes
éditions de l’Africa Political Outlook.

Discours d'ouverture de l'Africa
Political Outlook

Discours d’ouverture par S.E. Moses Vilakati, Commissaire de l’Union africaine chargé de l’Agriculture, du Développement rural, de l’Économie bleue et de l’Environnement durable

Monsieur le Président du Comité de Pilotage, Excellence l’Ambassadeur Viwanou GNASSOUNOU,
Monsieur le Directeur Exécutif, Monsieur Adébissi DJOGAN,
Mesdames et Messieurs les Ministres, Députés, Ambassadeurs, Directeurs et représentants d’Institutions Internationales,
Distingués Invités, dans toute la diversité de vos responsabilités,

C’est pour moi un grand honneur de m’adresser à vous à l’occasion de l’ouverture du Sommet Africa Political Outlook 2025. À l’aube de mes nouvelles fonctions, j’éprouve une profonde gratitude pour l’opportunité qui m’est donnée d’inaugurer les échanges et réflexions de cette instance de haut niveau. Même si je regrette de ne pouvoir être physiquement parmi vous en raison d’engagements à Addis-Abeba, soyez assurés que mon esprit et mon engagement sont pleinement à vos côtés aujourd’hui.
Je vous transmets les salutations chaleureuses de S.E. Mahmoud Ali, Président de la Commission de l’Union Africaine.
J’exprime ma profonde reconnaissance au Comité d’Organisation de l’Africa Political Outlook, qui offre à l’Afrique – avec ses partenaires européens et la communauté internationale – ce forum essentiel de dialogue stratégique et d’action.

« Nouveau Sud, Ancien Monde » – ce thème fort de cette année résonne intensément au cœur de la conjoncture mondiale. Il incarne non seulement les évolutions géopolitiques que nous observons, mais aussi la profonde métamorphose de notre cher continent.
Oui, l’Afrique – notre nouvelle Afrique – est au seuil de redéfinir sa place dans l’ordre mondial. Forte d’une population qui atteindra 1,7 milliard d’habitants à l’horizon 2030, avec une jeunesse représentant 42% de la jeunesse mondiale à cette date, nous ne faisons pas qu’accompagner le changement – nous en sommes le moteur.
Mon parcours, de l’Eswatini à cette tribune continentale, fut marqué par un apprentissage et une transformation en profondeur. À la fois universitaire et ministre, j’ai pu constater personnellement les défis mais aussi l’immense potentiel de l’agriculture africaine. Cette expérience a forgé une vision : celle d’une Afrique où l’agriculture constitue la colonne vertébrale de la transformation économique, où la durabilité environnementale n’est plus un but mais un art de vivre, et où les communautés rurales prospèrent grâce à des approches de développement innovantes et résilientes.

Durant mon mandat de Ministre de l’Agriculture en Eswatini, l’un de mes accomplissements les plus enrichissants fut l’élaboration du Plan National d’Investissement Agricole. Ce plan visait à accroître la productivité, garantir la sécurité alimentaire, promouvoir un développement rural durable et encourager la production commerciale orientée vers l’exportation, afin d’aller au-delà de la seule autosuffisance alimentaire.

Avec le recul, je mesure à quel point cette expérience a nourri ma compréhension des défis et opportunités de l’agriculture africaine. Aujourd’hui, dans mes nouvelles fonctions de Commissaire, je vois l’opportunité de bâtir sur ces fondations. J’imagine un continent où de tels plans d’investissement deviennent réalité partout, dans un élan collectif en faveur d’une agriculture durable et de communautés rurales renforcées – mus par la transformation économique de l’Afrique.
La nouvelle Commission africaine est pleinement alignée sur la nécessité urgente d’accélérer la transformation du secteur agricole, posant ainsi les bases du « Grand Saut Vert ». Nous sommes engagés à impulser cette transformation, à travers la promotion de pratiques durables, le renforcement de la résilience et l’innovation à l’échelle du continent. La Commission travaille déjà sans relâche pour tenir ses engagements et mettre en place les politiques et initiatives indispensables à l’aboutissement de cette vision, afin d’offrir à l’Afrique un avenir agricole florissant et pérenne.

Le paysage agricole africain est aussi riche que prometteur. L’agriculture contribue en moyenne à 15% du PIB du continent, avec des pointes à 23% en Afrique subsaharienne. Plus de 60% de la population subsaharienne est constituée de petits exploitants, et environ 23% de son PIB provient de l’agriculture.
Cependant, les défis sont immenses. Le changement climatique menace la sécurité alimentaire de près de 650 millions d’Africains, nous obligeant à innover. L’économie bleue, avec une valeur estimée à 1 500 milliards de dollars par an, demeure un gisement d’opportunités largement inexploité. Mais, face à ces obstacles, des réussites majeures témoignent du pouvoir transformateur de l’innovation agricole.
Le mois dernier encore, nous avons assisté à une avancée majeure avec la création de l’Agence Africaine de Sécurité Alimentaire, concrétisant notre engagement non seulement pour la sécurité alimentaire mais aussi pour la sûreté alimentaire des 1,4 milliard d’Africains.

Pour dessiner la trajectoire de notre action, notre stratégie s’articule autour de quatre piliers fondamentaux :

  • Premièrement, une agriculture résiliente au climat : investir dans des cultures résistantes à la sécheresse, utiliser des techniques de conservation de l’eau, développer des systèmes d’alerte précoce pour les catastrophes climatiques. Nos pratiques agricoles doivent non seulement résister aux aléas climatiques mais aussi contribuer activement au stockage du carbone.
  • Deuxièmement, le développement de l’économie bleue : le potentiel de nos ressources marines est immense et encore trop peu exploité. De la gestion durable des pêches à l’aquaculture, du tourisme côtier à la protection du littoral, nous avons l’opportunité de bâtir une économie bleue bénéfique à la fois à nos peuples et à notre planète.
  • Troisièmement, le développement rural et les infrastructures : nous imaginons une Afrique rurale connectée, grâce à des infrastructures « dernier kilomètre » rapprochant marchés et producteurs, des centres de valorisation pour maximiser la rentabilité, et des mécanismes de financement rural facilitant l’autonomisation des petits exploitants.
  • Quatrièmement, la jeunesse en agriculture : nos jeunes sont notre plus grande richesse. En modernisant la formation agricole et en adoptant l’agriculture numérique, nous pouvons canaliser leur énergie et leur innovation pour transformer le secteur.

Ces piliers dépassent la seule agriculture ; ils incarnent l’émergence, forgent l’Afrique nouvelle, chef de file du Nouveau Sud. Ils constituent notre chemin hors de la pauvreté, le moyen d’atteindre de multiples Objectifs de Développement Durable, la clé pour intégrer la sécurité alimentaire, hydrique et énergétique du continent.

Dans ce nouvel ordre mondial, la coopération internationale et le multilatéralisme prennent une importance renouvelée. Il nous faut repenser la coopération Nord-Sud dans l’agriculture, tout en favorisant la collaboration Sud-Sud, notamment en matière de transfert technologique. Nous invitons les institutions multilatérales à accompagner la transformation agricole de l’Afrique et à réformer les systèmes commerciaux internationaux pour en faire profiter les producteurs africains. Cela pourra passer par des projets conjoints de recherche sur les cultures résilientes au climat, des programmes de transfert technologique adaptés au contexte africain, des échanges de compétences, le dialogue direct entre producteurs africains et marchés globaux, la suppression des barrières commerciales et des subventions inéquitables qui pénalisent nos agriculteurs.
Mon département est celui des agriculteurs, et je travaillerai sans relâche pour faire des fermiers africains des acteurs majeurs, innovants, résilients et moteurs de la nouvelle croissance africaine.
Dans les prochains mois, nous lancerons une initiative phare pour concrétiser nos engagements, avec un accent fort sur le partenariat UA-UE dans l’agriculture. Ce partenariat ouvrira la voie à des dialogues stratégiques en vue de solutions promouvant des pratiques agricoles durables. Ensemble, nous bâtirons des systèmes agricoles résilients, assurerons la sécurité alimentaire, renforcerons la croissance économique, tout en préservant la durabilité environnementale au profit des générations futures.
L’Afrique est prête à jouer un rôle central dans l’alimentation de la population mondiale croissante. Nous sommes bien placés pour répondre à la demande croissante en aliments biologiques et produits de manière durable. Avantageux dans plusieurs chaînes de valeur agricoles, notre ambition dépasse cependant la simple exportation de matières premières. Nous aspirons à gravir la chaîne de valeur, afin de produire des biens finis de haute qualité destinés aux marchés internationaux.

Pour concrétiser cette vision, nous avons besoin d’une mobilisation collective. J’en appelle :

  • au secteur privé pour investir dans les chaînes de valeur agricoles,
  • aux partenaires du développement pour aligner leur soutien sur les initiatives portées par l’Afrique,
  • aux institutions académiques pour faire de la recherche agricole une priorité,
  • à la société civile pour défendre les droits des petits exploitants.

En conclusion, saisissons cet instant de transformation. Dans ce « Nouveau Sud, Ancien Monde », l’Afrique est prête à conduire l’innovation agricole mondiale, puisant dans la riche sagesse de nos traditions. Nous ne faisons pas qu’adapter notre continent à un monde en mutation : nous le façonnons activement.

L’avenir de l’agriculture africaine ne consiste pas seulement à nourrir notre continent : il s’agit de nourrir la communauté mondiale, de préserver la planète et de cultiver une prospérité durable pour les générations à venir. Ensemble, semons aujourd’hui les graines de ce futur.

Je vous remercie.

Découvrez l'ensemble des discours
d'ouverture du Sommet de l'Africa Political Outlook